Ce titre était emprunté à un poème de Victor Hugo, aussi romantique que Le Lai des amants de Marie de France, que je mettrais également au cœur d'un texte, quelques années plus tard (voir à la rubrique nouvelles de l'abécédaire. Mon détournement des vers hugoliens fut iconoclaste, car le timbalier de mon roman n'était pas musicien dans l'armée du duc de Bretagne, mais... commis charcutier, spécialisé en timbales de volailles.
A la différence des deux précédents romans, celui-ci se déroulait dans ma Normandie natale, avec escapade cévenole (une région découverte avec bonheur quelques années plus tôt). L'héroïne n'était pas une jeune fille, mais une adolescente, qui ne ressemblait pas du tout à celle que j'avais été car, dans cet âge en principe rebelle j'avais été sage, respectueuse de mes parents et de mes enseignants. Comme dans les deux précédents, c'était écrit à la 1ere personne, mais à présent qu'on me connaissait, on ne confondait plus auteur et personnage.
André Balland honora de sa présence la sortie rouennaise de ce roman, que j'avais eu l'idée de fêter dans une ... charcuterie (photos dans la rubrique bibliographie, où je régalais mes invités d'une cuvée... Victor Hugo de chez Henri Maire, qui devait me recevoir quelques mois plus tard alors que mon mari et moi avions emmené mes parents fêter leur cinquantième anniversaire de mariage à l'Hôtel du Parc de Port-Lesney - là où aurait lieu le tournage de « Mado poste restante » deux ans après :
Une des bouteilles (vidée !) de la cuvée Victor Hugo figura un temps dans une vitrine du musée de Villequier (maison où avait séjourné le grand homme) :
Juste retour des choses : c'est la nuit suivant le vernissage d'une exposition dans ce musée que j'avais rêvé que je récrivais « La fiancée du timbalier » du grand Totor ! Et pourtant, dans ce musée, je n'avais fait tourner aucune table pour entrer en communication avec cette gloire nationale !
Ce troisième roman eut encore de bonnes critiques :
Sans noms d'auteurs dans les journaux suivants :
Signé Michèle Alessandri, dans Le Matin :
Sur le thème classique des grandeurs et misères de l'adolescence, Simone Arèse a écrit le roman caustique du grand soir des enfances qui s'achèvent.
Quand Véronique déclare n'aimer que le boudin au coca-cola, quand, devant son fiancé béat, elle exige de l'amour en salade, avec piments de désirs et confiture de mots câlins, le personnage a déjà une certaine allure. Véronique a quinze ans. Difficile d'assumer cet âge-là. Fille de très bonne famille, géniteurs « cultureux » et distraits de leur progéniture, un fiancé falot et une complice, mamie Lolotte, arrière-grand-mère géniale qui se trouve trop jeune pour s'ennuyer avec les vieux.
Mi ange, mi-démon, Véro rêve de perdre sa fleur comme on entre dans les ordres ! Programme émouvant pour La Fiancée du timbalier, troisième roman de Simone Arèse, portrait de famille troublant et cocasse, mis en scène par Véronique, fille unique du couple Hermier, qui ne comprend pas vraiment les subterfuges imaginés par leur douce et tendre pour fermer les portes de l'enfance et ouvrir avec fracas celles, fragiles et mystérieuses, qui feront d'elle une femme.
Révoltée, Véronique est anorexique partielle : elle planque les tranches de rosbif de la cantine dans ses poches, fait des attentats volontaires à la syntaxe pour narguer l'élite parentale, permute le pommard de son cher papa avec de la vinasse pour donner à Lolotte des après-midi inoubliables quand elle sera prête pour l'au-delà, et mesure tous les jours les limites étroites de son village normand : je me fiche de mon avenir autant que de votre passé et de ma vie en bocal, de votre culture en conserve, déclare-t-elle. Véronique décide que la fugue sera sa meilleure alliée pour explorer, corps et âme, les chemins de la passion.
Comme compagnon d'exil, elle a choisi Jean-Loup. Jean-Loup est commis boucher. Aux antipodes de Véronique, elle qui ne prend pas possession du Paradis sans un minimum de cérémonie, elle pour qui tout est sacré, elle qui va connaître l'ivresse de l'écriture, Jean-Loup, garçon des réalités - un chat est un chat - fera le voyage au premier degré du périple amoureux, laissant à Véronique les cicatrices d'un hymen perdu dans la douleur, d'un plaisir connu par hasard, d'une peau de femme endossée dans le désordre et la révolte.
Ce journal de bord, écrit comme on parle, syncopé, cru, est au goût du jour avec les références à la pub, un air philosophico-littéraire qui plane et gère cette famille « haut-de-gamme ». La Fiancée du timbalier se lit facile, dans le train, entre Marie-Claire et les volutes de fumées de cigarettes grillées, entre les coups d'œil au paysage et le sourire au voisin, entre la mer et le transat.
Signé Roger Balavoine, dans Paris-Normandie :
Simone Arèse a le style de l'œil. De son œil. Vagabond, l'œil. Scrutateur. Explorateur. Et mobile. Il ne tient pas en place. A coups d'inversions trompettantes, il assène des vérités inabordables par mer calme. Ainsi verra-t-on l'aventure de Véronique - quinze ans, tout juste - tourner court mais lui apporter la liberté belle d'un rapide passage de l'adolescence à l'état adulte.
Véro s'ennuie avec ses parents, enseignants faussement libérés, entre ses cours au C.E.S. et sa petite ville normande étirée de l'autoroute à la raffinerie de pétrole. Elle veut sa liberté, Véro. Elle étouffe là parce qu'excepté son arrière-grand-mère qui aime le pommard et un chien délicieusement attentif, personne ne la comprend. Sauf (peut-être) le garçon charcutier qui fabrique des « timbales ». Ce timbalier-là fera-t-il l'affaire pour offrir la liberté à Véronique ? En plaquant parents, C.E.S. et avenir bouché, la fiancé du timbalier découvre que cet amant empressé et brouillon ne comprend pas grand chose à son romantisme (dans la tête) ni à son réalisme (dans le corps). Véro assume la liaison parce qu'elle a le sens de la poésie, dans la Cévenne lozérienne où l'a menée son timbalier aimé. Bien que.
L'évasion capotera. Véro reviendra avec son chien, qu'elle n'avait pu laisser - parce que c'est un vieux et vrai copain - et regardera - doublement déniaisée - une autre vie devant elle.
A petits coups de scalpel mutin, Simone Arèse, qui vit à Rouen, découpe la réalité en tranches minces : on voit le jour à travers. Elle montre que les gens contraints dans leur vie habituelle, leurs idées préfabriquées en vente libre à l'hypersupermarché du coin de leur Zup prennent pour la vraie vie. Ce qu'ils perdent de vie à se jouer la comédie de leur illusion, pas comique du tout. Simone Arèse, après ses deux « Mado » change de voie, comme elle voulait. Ce troisième roman confirme l'écrivain : la vivacité de ton, le rythme de la phrase et sa musique acérée comme la musique de Satie, la liberté de la syntaxe, la fluidité de l'idée à faire courir.
Il y a plein de virevoltes dans ce roman amer d'aventures impossibles. Car la raison est toujours la plus forte, croit Véronique désemparée par l'aventure interrompue. Pourtant Simone Arèse est de son côté : sa belle musique détersive gratte le confort là où il est le plus gras.
Signé Luis Porquet dans l'Affiche culturelle de Haute-Normandie :
Avant d'ouvrir le dernier roman de Simone Arèse, je ne savais pas à quelle fête j'allais être convié. Toujours un peu méfiant à l'égard de ce genre littéraire, je demeurais prudent. Je peux dire que mes doutes ont vite été dissipés tant la vivacité inventive de l'auteur est perceptible dès les premières lignes de son livre.
« La Fiancée du timbalier », tel est le titre de l'ouvrage (et celui d'un poème de Victor Hugo) ne contient aucune fausse note. L'héroïne de cette histoire est une adolescente de quinze ans, Véronique, fille unique d'un couple d'enseignants, deux intellectuels qui se mirent le nombril sans le moindre gramme d'humour. Ils cultivent leur bonne conscience « progressiste », persuadés qu'ils sont de faire avancer la machine. Chacun vit dans sa spère sans que cela fasse de la musique : Nous, les Hermier des générations instruites, reposons nos esprits encombrés dans des lits d'acajou et nos culs savants sur des tapisseries d'origine. Mangeons nos surgelés dans de la porcelaine... On devine le tableau (plutôt noir). Bref, entre ces deux intelligences trop bien nourries et ses mamies quelque peu collantes, elle s'ennuie passablement la petite. En quête d'une véritable identité, elle s'acharne à tenir son journal secret.
Heureusement, il y a Jean-Loup le commis charcutier (timbalier de service) qui fait les délices de ses repos/répits hebdomadaires. Sans doute s'est-elle entichée de lui par goût de la provocation familiale : lui, au moins, il ne joue pas les grosses têtes, occupé qu'il est à gratter celle de ses cochons.
Seulement, se voir une ou deux fois par semaine, ça ne suffit pas. C'est qu'elle rêve de prendre le large, notre Véronique, et, de préférence, avec son « fiancé » : On oublierait le gris, la poisse, les fumées de la raffinerie, l'odeur de vase pétroleuse montant du fleuve (Tout y est). On brûlerait tous les livres. Sauf les bandes dessinées. Neufs et nus qu'on serait.
Finalement, elle voudra vivre la vraie vie l'adolescente et voilà qu'elle propose à son rustique amant de l'arracher à son austère train-train.
La fugue a lieu de jour. Véronique part sans idée de retour dans la camionnette « empruntée » par Jean-Loup. Mais pour le jeune trancheur de lard, ce ne sont que des vacances un peu différentes et, dans la douceur de l'Aigoual, la jeune fille, en perdant son « innocence », découvrira l'amère dérision de la réalité.
Ce roman plein de tendresse et d'ironie jaillissante confirme un incontestable talent. Dans la première partie, la syntaxe (qui est celle du langage parlé des ados) rend le récit savoureusement crédible. C'est le monde des adultes vu par des yeux de quinze ans, terriblement lucides déjà. L'humour omniprésent donne, à chaque chapitre une allure détonante. Tout cela est bourré de trouvailles et de subtiles espiègleries. La langue est d'une fraîcheur reconstituante (les fans de Philippe Sollers en prennent pour leur grade). Un vrai régal. Mais avec la seconde partie (la fugue), le livre tout à coup prend un tour plus émouvant.
C'est le passage à l'âge adulte et ses constats douloureux. Après le succès de « Mado », Simone Arèse a su montrer qu'elle n'était pas en mal d'inspiration. C'est un écrivain à part entière et un poète que nous vous invitons à découvrir...